Par Dominique Goblet, prémontré (extrait -source : vies-consacrees.be)
Sans doute une première conviction à partager est-elle celle-ci : les religieux aujourd’hui doivent être des hommes et des femmes de passion. Des êtres passionnés et amoureux d’une rencontre toujours nouvelle avec Quelqu’un qui a un visage d’homme et s’appelle le Christ. Des hommes et des femmes qui osent, qui risquent la rencontre avec Quelqu’un qui a partagé leur humanité pour les unir à sa divinité. Des hommes et des femmes qui revisitent sans cesse, à la lumière de l’Évangile, le rythme essentiel de leur vie, leur cœur battant, leurs lignes de force, ce qui fait la profondeur de leurs existences. Dans un temps morose, dans un temps où des peurs circulent de tous côtés, où on se défie les uns des autres, dans l’individualisme ambiant, la vie religieuse par le poids précieux de son « vivre ensemble » lance un défi. Ne pourrait-elle être un lieu de la « diversité réconciliée » ?
La vie religieuse, un cœur qui bat
Dans une société où tant de jeunes sont parfois tentés de déserter et de partir, la vie religieuse à sa place sans doute comme un cœur qui bat. Elle est une réponse au pessimisme des chrétiens comme de ceux qui sont plus loin de l’Église. La vie religieuse n’a-t-elle pas à être attentive à ce que l’Esprit dit à l’Église, à chacun, à chacune ?
Les religieux n’auraient-ils pas comme tâche propre dans l’Église de manifester la miséricorde là où l’homme se perd et les sociétés défaillent, là où personne n’est plus ou n’est pas encore présent, là où les pauvres du Seigneur attendent toujours sa justice ? Rendre visible la miséricorde dont ils vivent, c’est, pour les religieux, inscrire en ce monde la pure gratuité et l’imprévisibilité de l’œuvre de Dieu qui, sans fin, reprend en sous-œuvre sa création et, par sa générosité, la sauve dans le Christ.
Les religieux témoins de l’espérance ? Certainement. Croire que demain est possible, parfois à travers des chemins d’exode. Les religieux témoins de la beauté ? Sans nul doute ! Sensibles à tout ce qui essaie de se dire par la culture, par l’art, par tout ce qui fait grandir en humanité. Ne sont-ils pas des « amoureux du monde » ? Bien sûr ! La vie religieuse, un antidote contre la morosité, la peur, la violence ? Pourquoi pas ? Antidote encore contre l’indifférence, par une vision à la fois « incarnée » et « spirituelle » de la vie. Lieu privilégié de respect du mystère de chacun et chacune.
Les religieux : des témoins, des hommes et des femmes de la vérité et de la liberté et non des hommes et des femmes de la peur. De la vérité : s’il y a des choses à dire sur Dieu et sur l’homme, ne sont-ils pas bien placés ? De la liberté : ils apportent un visage de chair et de sang, un visage toujours en devenir de ce qu’il attendent : un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la liberté, la justice et l’amour.
Les religieux des « frontaliers », des passionnés des frontières ? Oui. Persuadés que là réside une partie de l’avenir de l’Église. La vie religieuse est un lieu privilégié où le christianisme capte des souffles venus d’ailleurs, là où ses trésors se partagent avec ceux qui n’habitent pas ses enceintes. Aller aux frontières est une tâche urgente, rencontrer ceux et celles qui sont loin, qui ne nous ressemblent pas mais aspirent à savoir qui nous sommes et comment nous vivons. Accueillir aussi tous ceux qui se sentent rejetés, jugés, discriminés.