Silencieuse, insidieuse, tentaculaire, la pornographie se déploie, se propage et envahit subrepticement l’espace public mais aussi l’intimité des vies. Tous les milieux, toutes les familles, tous les âges sont concernés. Les dégâts sont immenses : elle capte le regard et s’infiltre dans les âmes, dévastant sur son passage l’intelligence du cœur, la vie intérieure et la grandeur de l’amour.
Le phénomène est tel que quatre sénatrices viennent – enfin – de s’emparer du sujet pour en faire émerger l’ampleur. Un rapport au titre évocateur, fruit de 6 mois de travaux, vient d’être publié : « L’enfer du décor ». Il confirme une réalité que les professionnels de terrain dénoncent depuis des années mais qui peine à être entendue. Ce rapport évoque la massification de la diffusion de supports pornographiques sur Internet, des productions qui normalisent un système de violences envers les femmes, une consommation massive, banalisée et toxique chez les enfants et adolescents comme chez les adultes.
En violation totale de l’article 227-24 du Code Pénal, les mineurs sont exposés aux images, volontairement comme involontairement. Notre société qui dit prioriser avec raison l’égalité hommes / femmes et la lutte contre les violences laisse des générations entières se nourrir en libre accès d’images qui prônent le contraire de ce qu’elle dénonce.
Les conséquences sur la jeunesse sont nombreuses et préoccupantes : traumatismes, vision déformée et violente de la sexualité, hypersexualisation précoce, développement de conduites à risque ou violentes. Consommer de la pornographie impacte le rapport au corps, le rapport à l’autre et maintient dans une sexualité pulsionnelle où la personne est objectivée au profit d’un plaisir individuel immédiat. Les conséquences ne se limitent pas au seul public mineur. Elle s’impose jusque dans l’intimité conjugale, l’appauvrissant et l’éloignant de son essence. Cette caricature de l’amour abime la relation et bride la capacité à aimer en vérité. Des enfants, des adolescents et des adultes sont piégés, peinant à se dégager des fils de la toile qui emprisonne leur désir et les retient dans un isolement affectif. Ils sont le jouet d’une industrie lucrative qui les maintient dans la dépendance pour en tirer profit.
Parce que le silence se fait complice de la violence imposée, il nous incombe de nous emparer du sujet. Les recommandations du rapport du Sénat invitent à sensibiliser l’opinion publique pour une prise de conscience collective, et rappellent l’importance de l’éducation. Ne serait-il pas temps de sortir d’une certaine innocence et de clarifier notre position, de nous informer pour mieux protéger, de mettre des mots pour renouer avec le respect des corps, des cœurs et des esprits, et prendre soin de l’amour durable ?
Amélie Laurent, Animatrice de l’équipe paroissiale de préparation au mariage