En ce mois de novembre, nous honorons nos défunts par une visite sur leur tombe au cimetière, conscients que la fin de vie est un mystère. Pourtant, la mort nous concerne tous.
« Ce n’est pas la mort qui viendra me chercher, c’est le bon Dieu », disait sainte Thérèse de Lisieux quelques jours avant de mourir. Elle est probablement la grande sainte de la mort pour notre temps. Décédée très jeune, à 24 ans, après une longue agonie, elle a vu venir la mort pendant des mois. Elle nous a laissé un cahier contenant ses dernières paroles, publié sous le titre : J’entre dans la vie. Elle y témoigne à quel point la mort elle-même est une entrée dans la vie éternelle. Elle présente le passage de ce monde au Ciel comme un rendez-vous d’amour de deux libertés : de la part de Dieu qui vient vers nous, mais aussi de notre part en accueillant Dieu. Elle nous encourage à être libérés de la peur de la mort.
Aux antipodes de cette conception de la mort, nous vivons dans une société qui est dans le déni de celle-ci. La mort est envisagée comme une étape lointaine à laquelle nous sommes encouragés à penser le moins possible. Il est d’ailleurs révélateur de voir le vocabulaire de contournement qui existe autour de la mort pour ne pas avoir à prononcer ce mot. On dira plutôt de celui qui vient de mourir qu’il est parti, qu’il a disparu, qu’il s’est éteint, qu’il a péri, qu’il nous a quittés, qu’il est décédé…
Il y a quelques jours, j’ai vécu une expérience rare dans la vie d’un prêtre. J’ai été appelé pour baptiser une personne sur son lit d’hôpital. Face à sa mort, Antoine a souhaité être enterré à l’Eglise mais il n’était pas baptisé. Encore conscient, il a eu la grâce de recevoir le baptême, l’eucharistie, la confirmation et le sacrement des malades. Quelque chose s’est passé en lui, une sorte d’apaisement. Il était prêt à voir Dieu, en témoigne sa vive émotion après mon départ.
Pour envisager la mort, il est indispensable de s’accepter comme mortels et de réaliser avec saint Augustin que « en naissant, nous commençons à mourir. »
Dans la conception chrétienne, finalement c’est la mort qui nous rend libres. La fin de nos vies consistera à voir Dieu, ce pour quoi nous sommes nés. Le face-à-face avec la mort nous met devant la présence de Dieu et nous croyons que c’est une rencontre d’amour.
Les Exercices spirituels de saint Ignace, fondateur des jésuites, permettent de voir clairement ce que l’on doit faire de sa vie par rapport à Dieu, en ayant une juste hiérarchie des urgences et des priorités. Si nous savions qu’il ne nous reste que quelques semaines à vivre, est-ce que nous ferions les mêmes choix que ceux que nous faisons actuellement ?
« Je savais, disait sainte Thérèse, que j’étais née pour la gloire. » La dernière photo d’elle, prise alors qu’elle venait de mourir, en est une manifestation sensible. La vie éternelle est présente sur son visage. C’est assez frappant. La petite Thérèse n’a jamais été plus vivante que sur cette photo. Elle paraît transfigurée, les yeux fermés, un sourire bienheureux aux lèvres et la lumière irradie tout son visage. Comme si elle n’avait jamais souffert, alors même que nous savons qu’elle a traversé une terrible agonie. Elle est vraiment « entrée dans la vie ».
+ Père Aymar